Il n’existe pas de boussole universelle pour le salut motard. Les gestes se transmettent, se transforment, parfois s’échappent, et les codes varient d’un coin de France à l’autre, d’un club à l’autre, d’une génération à la suivante.
Certains motards refusent sciemment de répondre à un salut, prétextant la sécurité, la météo ou la complexité de la circulation urbaine. Ce choix n’est pas rare. Il questionne la portée véritable de ces traditions, leur adaptation dans la vie réelle et la manière dont elles façonnent, ou non, le quotidien des deux-roues.
Pourquoi les motards se saluent-ils sur la route ?
Le salut motard occupe une place à part. Il répond à un code silencieux, cette manière de reconnaître d’un simple geste celui ou celle qui partage la même route, la même passion. Il suffit d’une main levée ou d’un V discret pour souder deux parfaits inconnus le temps d’un croisement. La pluie sur la visière, la sensation du vent, la peur et le plaisir confondus, tout cela pèse dans ce petit signe qui dit : « toi aussi, tu y es ».
Rouler en moto, c’est accepter la vulnérabilité et la liberté à parts égales. Les motards le sentent : la route peut isoler mais elle rapproche aussi, par nécessité parfois, par choix souvent. Un salut rappelle que, même au milieu du trafic, on n’est jamais tout à fait seul avec son deux-roues. L’esprit de camaraderie gomme vite les rivalités techniques ou générationnelles pour privilégier ce sentiment d’appartenance, intangible mais tenace.
Le salut motard est aussi une grille d’entraide. Un motard s’arrête, aide, conseille, prévient du moindre obstacle. La route motard ne se mesure pas simplement en kilomètres avalés : chacun de ces gestes façonne un réseau de respect et d’entraide, aussi solide qu’invisible.
Les gestes incontournables pour dire bonjour à moto
À moto, le salut prend différentes formes. Plusieurs gestes bien rodés jalonnent les routes de France :
- Le signe V, avec deux doigts levés, paume tournée vers l’extérieur : c’est le grand classique, popularisé dès les années soixante-dix. Un geste clair, sans ambiguïté, devenu symbole universel parmi les motards.
- Le signe motard abaissé : index et majeur tendus vers le sol. Plus discret, il se pratique surtout sur le continent européen. Il privilégie l’efficacité et n’enlève rien à la fraternité.
- Le pied droit motard : simple mouvement du bas de la jambe, pour remercier ou saluer lorsqu’on ne peut pas lâcher le guidon. Ce geste, répandu lors des dépassements ou quand la main droite doit rester mobilisée, reste bien compris de la communauté.
- La biker wave : la main qui balaie vers le bas, quelque chose d’inspiré des bikers américains et populaire chez les adeptes de customs, adoptée aussi sur d’autres types de machines.
Qu’on pilote un scooter ou une cylindrée imposante, ces signes s’exportent, s’adaptent, évoluent parfois au gré des habitudes des nouveaux venus. Si les manières diffèrent, le réflexe de saluer résiste.
Entre sécurité et convivialité : l’utilité réelle du code motard
Sur la route, le langage gestuel va bien au-delà du simple salut. Il tisse un réseau d’indices, d’alertes, de remerciements qui fluidifie la circulation et renforce le sentiment collectif. Rien de plus direct qu’un appel de phare ou un signe du pied pour prévenir un danger, signaler une patrouille, partager une info sur le tracé.
Voici des scènes précises où la solidarité s’exprime, sans détours :
- Le remerciement, pied tendu à droite, adressé à la voiture qui cède la place lors d’un dépassement délicat.
- Un signe de la main esquissé avec le passager pour savourer en duo une belle portion de route.
- L’arrêt total après avoir remarqué un casque posé sur une barrière de sécurité, signe de détresse motarde et invitation à proposer son aide.
Ce code motard façonne moins un clan qu’une vigilance active. Il protège, anticipe, participe concrètement à la sécurité de tous. Certains rappellent que l’équipement motard le plus sophistiqué ne compensera jamais une vigilance collective et ce réseau de signaux échangés sans mot. Le guidon devient un relais, le motard, un maillon visible de cette chaîne d’attention partagée.
Quand le salut ne revient pas : comprendre les raisons et ouvrir la discussion
Il arrive que le salut motard reste sans retour. Le geste passe, le regard croise, et rien. Le sujet divise, que ce soit autour d’un café, lors des rassemblements ou dans les discussions en ligne.
Les motifs sont multiples. Le profil du conducteur compte : motard expérimenté, scooter pressé, détenteur de trois-roues ou de quad, chacun a sa relation à la tradition. Dans la circulation urbaine dense, garder les mains sur le guidon s’impose souvent et laisse peu de place à la convivialité. Certains apprécient une conception plus restreinte du salut, réservée aux motards « historiques », là où d’autres saluent sans distinction.
Le contexte intervient : virages serrés, chaussée imprévisible, automobilistes distraits ; la priorité revient à la sécurité. Gants épais, équipements renforcés ou poignées chauffantes compliquent parfois l’expression gestuelle. Il arrive aussi que le salut ne soit simplement pas vu, ou que l’attention soit monopolisée ailleurs.
Les débats restent vifs. Pour certains, la coutume s’étiole, pour d’autres elle continue de s’adapter et de s’ouvrir. Préserver une forme de sélection ou accueillir la pluralité croissante des profils ? Le sujet ne se ferme jamais, au contraire : il évolue avec les pratiques et la route, à chaque rencontre, un peu plus.


